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23 ans après le CEVA, le Grand Conseil genevois vote la suite

Le jour est historique. Mais il manque une clef pour pouvoir aller de l’avant.

AlpRail salue la décision du Grand Conseil genevois, qui a voté, le 27 janvier 2023, pour la première fois depuis l’an 2000, un crédit d’étude de 30 millions en faveur du développement d’un projet ferroviaire franco-suisse d’importance.

Cela fait depuis l'an 2000 (crédit d’étude du CEVA) que le Grand Conseil n’a plus voté pareil projet ferroviaire. Ainsi, vingt-trois ans plus tard, c’est un véritable soulagement, même s’il reste aux genevois à convaincre leurs partenaires français d’investir plus dans le ferroviaire, technologie de transport hyper-efficiente, excellente pour une meilleure urbanisation, et championne de l’environnement pour les voyages de 2 à 2’000 km (sic). Impossible n’est pas français.

De nouvelles liaisons en ligne de mire: Nations – Pays de Gex et Bernex – Annecy

Le Grand Conseil et sa Commission des travaux ont sauvé le développement du trafic ferroviaire du Grand Genève, menacé par le manque d’ambition du Conseil d’Etat et de la Confédération suisse, en particulier de l’Office fédéral des transports (OFT). Après des années de débats douloureux autour de la « Diamétrale », via Nations et aéroport versus la « Boucle », qui ont laissé des traces à Genève, il est heureux que le législatif ait pris les choses en main afin de relancer un projet pour une mobilité régionale ambitieuse et à impact environnemental faible.

Avec ce projet de loi, son périmètre et ses objectifs d’études, c’est les prémices d’une extension du RER du Grand Genève, celui-ci même qui devra se raccorder au réseau européen.

Concrètement, le Parlement genevois a, par 62 oui (97% des votants) et 2 non (3%), complété la proposition du Conseil d’Etat, sous un nouveau titre « Projet de loi ouvrant un crédit d’étude de 30 000 000 francs pour le financement des études d’une nouvelle diamétrale ferroviaire régionale nord-sud“. Il y a ajouté explicitement « des liaisons transfrontalières directes » et « le projet de deuxième ligne Genève-Lausanne ». Sans cela Genève et l’OFT se seraient satisfaits de dépenser des milliards dans des voies permettant de circuler seulement à l’intérieur de la Cité-Etat ! Genève risquait ainsi de rater à nouveau le train et les efforts de son voisin vaudois qui, après des années d’hésitations, prend très à cœur la réalisation d’une ligne nouvelle « Lausanne-Genève », qui profitera directement à la Cité de Calvin. A noter que l'étude du bureau de recherche 6-t, les planificateurs d’Alius Consulting ainsi que le rapport du Forum d’agglomération, à l’intérieur duquel l’action d’Alprail a été décisive, ont contribué à convaincre les élu.e.s.

Cette constellation d’intervenants rappelle celle vécue en décembre dernier à Berne, où une large majorité du Conseil national avait obligé le Gouvernement fédéral à planifier des nouveaux axes ferroviaires européens « jusqu’aux frontières ». Sous-entendu : il faut coopérer avec nos pays voisins. Et qui était dans le viseur des élus fédéraux ? L’OFT, encore lui.

Le Conseil d’État genevois avait proposé sa « Diamétrale » en 2018, qui abandonnait l’idée d’un raccord vers le Pays de Gex, qui était pourtant présent dans le Plan Directeur cantonal (PDCn). Très vite, la « Boucle » est revenue à la charge publique, tandis que le Forum d’agglomération a publié sa vision pour le Grand Genève en 2021, et que le bureau 6-t est venu avec sa propre étude en 2022. Avec le présent vote du parlement genevois, le Canton devra planifier un raccord ferroviaire vers le Pays de Gex, mais aussi une voie directe pour Annecy.

La clef manquante ?

Malgré la forte mobilisation de la société civile, en faveur de cette vision ferroviaire pour le « Grand Genève », il manque encore une clef pour pouvoir aller de l’avant. Celle-ci même qui se trouve dans le résumé de Rail 2000 et qui se développe en trois questions :

1. Où se trouvent les besoins des clientes et des clients des transports publics, compté en personnes-kilomètres (Pkm) ?

2. Quel horaire est nécessaire pour satisfaire ces besoins ?

3. Par conséquent, quelles infrastructures sont nécessaires ?

L’absence actuelle de réponse à la question 2, relative aux horaires pour satisfaire aux besoins, est la clef manquante pour le développement d’études cohérentes. Cette vision prospective est donc prioritaire. En effet, si l’on ne connaît pas l’horaire, on ne peut pas connaître les correspondances et les vitesses de circulation. Bref, sans horaire, n’importe quelle planification d’infrastructures ferroviaires, notamment pour le Pays de Gex ou Annecy, deviendrait hasardeuse, avec potentiellement des gares mal dimensionnées et des trains circulant au mauvais endroit et/ou au mauvais moment ! Lorsque l'OFT avait mis en consultation Rail 2050 l'été dernier, la prise de position des CFF (page 3) ainsi que celle l'Union des transports publics (page 4, en allemand) ont clairement pointé du doigt la faiblesse du concept d'horaire de l'OFT. Nous ne savons pas si ce que nous construisons aujourd'hui sera compatible avec demain.

Ce qui serait particulièrement fâcheux et rendrait impossible l’application d’un horaire cadencé. Ainsi, seule une instance centralisée au plus haut niveau permettrait de déterminer les horaires afin d’éviter un effet en cascade. En effet, une correspondance ratée sur le hub de Lyon se répercuterait jusqu’à Zurich. C’est ainsi les trains grandes lignes (lignes internationales) qui doivent se voir fixer un horaire en premier. Ensuite, les réseaux régionaux pourront construire leurs horaires respectifs et assurer les correspondances avec les autres modes de transports. Afin de permettre le développement d’études cohérentes, c’est au minimum l’OFT qui doit se saisir rapidement de cette planification horaire. Le cas échéant, seul un échelon européen pourrait être encore meilleur.

Genève doit donc exiger de l’OFT une « planification horaire » qui puisse correspondre, à terme, à une infrastructure ferroviaire internationale permettant de relier efficacement et rapidement Lyon à Zurich. Le besoin en liaisons ferroviaires rapides est avéré. Si on imagine par exemple une nouvelle liaison rapide (TGV) de Lyon à Genève, à quelle vitesse les trains devront-ils rouler, pour arriver à quelle heure à Cornavin, sur quel quai et avec quelles correspondances ? L’OFT doit répondre à ces questions le plus vite possible, afin que le construit d’aujourd’hui laisse des portes ouvertes aux générations futures, et limite les coûts. Il semble toutefois réticent à le faire malgré la demande des élus fédéraux.

Alprail constate que l’office n’utilise pas les bonnes données pour mettre en œuvre sa politique environnementale de développement ferroviaire. En effet, il décompte en « nombre de voyageurs transportés » au lieu du « nombre de kilomètres parcourus par les personnes » (Personnes-kilomètres = Pkm). Et pourtant, pour réussir le tournant énergétique et réaliser une réduction massive du CO2 dans les transports, il est indispensable que l’OFT change de « lunettes ». Se limiter à calculer en nombre de voyageurs (par exemple pour le Léman Express) est important pour la communication publique, mais est un système de mesure insuffisant qui conduit les décideurs (gouvernements et administrations) à ne pas percevoir et/ou saisir réellement les priorités, sans en être forcément responsable.

A trop regarder le CEVA se construire

Qu’a-t-on fait à Genève entre 2000 et 2023 ? On s’est félicité, réjoui et disputé autour du CEVA. On a quelque peu rénové la gare Cornavin. Toute l’énergie de Genève – Alprail compris – s’est concentrée sur la réalisation de l’infrastructure permettant enfin l’exploitation du Léman Express.

Alors que depuis 2011, à Zurich, on planifiait l’horaire 2030 et 2045, ceci avant même l’inauguration en 2014 de leur deuxième Diamétrale pour RER et grandes lignes (Durchmesserlinie). Pour les deux ou trois prochaines décennies, les zurichois prévoient un tunnel pour Winterthour (10km), un pour Lucerne (10km) et un pour Aarau (30km). A noter que les zurichois se sont ainsi positionnés stratégiquement pour avoir un accès direct au « plus long tunnel du monde », voie directe avec l’Italie, pour voyager « zéro CO2 ».

Et pourtant, cela fait depuis l’appel [en français] d’Adolf Ogi « Pour le renouveau des chemins de fer » (1990), lors de l’inauguration du RER zurichois, que les cantons romands ont reçu le signal qu’il était impératif d’augmenter leurs budgets et leurs capacités de planification ferroviaire, afin qu’elles affichent des ambitions égalisant celles de la région zurichoise.

L’urgence ferroviaire

Notre ambition ferroviaire prioritaire doit être de développer un réseau RER franco-suisse digne d’être européen, et de relier celui-ci au réseau grande vitesse international qui est, à force de manque d’anticipation, en train de contourner notre région en passant plutôt par Zurich ou Lyon, et non par la Suisse romande, l’Ain ou la Haute-Savoie. « Léman 2030 » n’est qu’une consolation « frustrante » sur un réseau qui étouffait déjà avant qu’on ne débute les chantiers.

Il faut parler maintenant haut et fort afin que la Confédération suisse et l’Etat français prennent au sérieux le Grand Genève et l’Arc lémanique, particulièrement dynamique et qui étouffent, et planifient enfin ce réseau dont notre région binationale a besoin et qui bénéficiera grandement, à la fois à toute la Suisse, la France, et à l’Europe.

Image: Wikipédia - Salle du Grand Conseil genevois


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