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Bureau 6-t : Vision de l’étoile ferroviaire du Grand Genève

"C'est un pavé dans la mare" débute l'article de la Tribune de Genève d'hier (16.11.2022). En effet, ce n'est pas anodin qu'un bureau de recherche privé intervienne dans le débat public sur l'avenir de la mobilité dans le Grand Genève. On peut néanmoins donner raison au Bureau 6-t, qui livre un article détaillé, avec des cartes à l'appui, sur un avenir possible du réseau ferré du Grand Genève. Une réflexion bien plus profonde que le crédit d'étude soumis au Grand Conseil par le Conseil d'Etat le 14 septembre dernier, sur lequel Alprail s'était également exprimée : "Diamétrales ferroviaires genevoises : complètes ou incomplètes ?"

Il est intéressant de remarquer que l'analyse faite par 6-t ressemble beaucoup à celle faite par le Forum d'agglomération du Grand Genève. Il avait rendu en 2021 un rapport auprès des autorités de l'agglomération, avec des stratégies similaires à celle de 6-t en direction du Pays de Gex ainsi qu'en direction d'Annecy. La vision présentée dans le rapport est également partagée par Alprail, qui avait contribué à son élaboration.

L'article de 6-t n'est cependant pas sans failles non plus. Loin de là. On peut notamment remarquer l'absence d'un concept d'horaire : il devrait au moins être mentionné comme étape centrale entre l'analyse des flux d'abord, et la réalisation de l'infrastructure ensuite. Certes, les nœuds de correspondance de Genève et de Lausanne sont mentionnés par 6-t. Mais ce n'est pas suffisant. En reprenant la proposition du Conseil d'Etat de prolonger la ligne depuis Lancy-Pont-Rouge en direction de St-Julien-en-Genevois et Annecy, 6-t omet de lancer la réflexion sur les impacts que cela aurait sur les capacités à disposition, de l'horaire et des correspondances sur l'ensemble du réseau franco-suisse. En premier lieu les impacts sur les autres gares du CEVA entre Bachet et Annemasse, ainsi qu'au-delà, avec un effet papillon pouvant remonter jusqu'en Valais via la France (Evian, Monthey et puis St-Maurice) ainsi que dans la Vallée de l'Arve (La Roche-sur-Foron, St-Gervais-les-Bains, Chamonix, et même Martigny). Et ceci n'est qu'un exemple parmi de multiples effets papillons imaginables que pourrait avoir un simple embranchement à Lancy-Pont-Rouge ! On pourrait par exemple encore y ajouter la possibilité de TGV qui y passerait, reliant Genève directement à Turin via Annecy.

Cela nous amène à la problématique suivante liée à la construction de l'horaire : les correspondances internationales sont manquantes dans l'analyse de 6-t, alors même qu'elles sont incontournables. En effet, pour des raisons techniques dans le système de correspondance ferroviaire, communément connu sous le terme d'horaire cadencé, l'horaire du train grande ligne reliant plusieurs agglomérations sera absolument déterminant pour pouvoir organiser les correspondances régionales dans chaque agglomération, ici le Léman Express. Ce n'est donc qu'après avoir déterminé l'horaire international souhaité sur le tracé de Berne, Lausanne, Genève et jusqu'à Lyon ou Turin, qu'il deviendra possible de déterminer ensuite comment pourrait fonctionner un Léman Express avec des branches entièrement neuves vers Gex et Annecy, en particulier en séparant les flux internationaux des flux régionaux au cœur de l'étoile ferroviaire, d'ici 2050 ou 2060 à Cornavin. Bref, dessinez d'abord l'horaire du TGV Berne - Lyon, et ensuite seulement vous pouvez commencer à planifier votre horaire et votre infrastructure Léman Express qui s'y superposera. Faire l'inverse serait le risque de correspondances qui sautent, et de coûts de construction qui explosent car les fréquences et les points de croisement des trains se révéleront au dernier moment et que l'adaptation des infrastructures est extrêmement longue et chère. Comme souvent dans le domaine ferroviaire, planifier longtemps à l'avance est le maître mot.

Alprail rappelle les 3 étapes simplifiées qui ont fait le succès de Rail 2000 et qui sont évoquées par SwissRailvolution dans sa prise de position à Rail 2050 :

1. Où sont les besoins pertinents des client.e.s en termes de personnes-kilomètres ?
2. Quelle structure d'horaire est nécessaire pour cela ?
3. Quelles mesures d'infrastructure doivent être réalisées à cet effet ?

6-t a correctement mentionné les étapes 1 et 3, mais a oublié l'étape 2 ainsi que la prise en compte de l'horaire international du futur.

Last but not least, le Bureau 6-t remet en question la Diamétrale "nord", c'est-à-dire Nations - Aéroport - Meyrin-Cité - Zimeysa. Après les longs et douloureux débats genevois entre la Diamétrale et la Boucle, cette remise en question est extrêmement osée. Et sans concept d'horaire en plus, cela devient imprudent. Soyons clair, Alprail prend position en faveur de la variante officielle de la Diamétrale. La réapparition du concept de la Boucle ou de celui de 6-t n'est cependant pas exclu suivant les développements futurs souhaités sur le réseau Léman Express et la ligne nouvelle Genève - Lausanne. Restons prudent, tout en prenant exemple sur le Bureau 6-t et le Forum d'agglomération en dessinant la mobilité du futur : rapide, avec une faible consommation énergétique, et sans émissions nocives pour l'environnement et le climat. Gardons la tête froide, et respectons les étapes en direction d'un objectif lointain, mais absolument clair.

Auteur.e : Tobias Imobersteg


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