Tunnel Morges – Perroy annoncé par le Conseil fédéral, mais sans garantie pour la ligne nouvelle Genève – Lausanne
Rail 2050 : Un petit pas dans la bonne direction, mais il manque encore un concept global
Le Conseil fédéral émet des signaux positifs vers la Suisse romande et la Suisse orientale ainsi qu'au Lötschberg. Mais malgré 27 milliards de Francs d'ici 2035, le rail n'apportera pas une contribution notable à l'environnement, à la société ou à l'économie. La nouvelle orientation du Conseil fédéral de réaliser également des lignes nouvelles pour le trafic grandes lignes crée de l'espoir. Mais un concept global fait toujours défaut et l'accident au Gothard montre une nouvelle fois la faiblesse de sa stratégie actuelle.
L'OFT et le Conseil fédéral s'obstinent à mesurer le potentiel de passagers en nombre de trajets plutôt qu'en personnes-kilomètres, un indicateur beaucoup plus pertinent
Le Conseil fédéral fait un petit pas dans la bonne direction, mais qui ne suffit pas pour que le rail puisse contribuer de manière significative aux objectifs de la Confédération. En continuant à affirmer que le plus grand potentiel se trouve dans les agglomérations (page 40 du message) sur la base de chiffres non pertinents qui mettent sur un pied d'égalité les trajets individuels de 2 km et ceux de 2'000 km, l'OFT ignore l'autre grande moitié des personnes-kilomètres (Pkm) qui se trouvent sur les grandes lignes nationales et internationales. La concentration du Conseil fédéral sur les courtes et moyennes distances reste donc erronée. Cet avis de SwissRailvolution est également partagé par certains cantons, les CFF, les trains rhétiques, la citrap, le SEV, l'UTP et de nombreuses autres organisations déterminantes, comme le montre le résultat de la consultation.
Le conseiller fédéral Albert Rösti a mentionné qu'il souhaitait offrir une alternative à la voiture et aux vols courts-courriers sur le rail, ce que SwissRailvolution salue. Le message du Conseil fédéral n'est toutefois pas clair sur la manière d'y parvenir.
Pas de concept global
La politique des susucres pour les régions se poursuit : chaque région reçoit quelque chose pour qu’elle reste tranquille. Mais ce qui ressemble à un cadeau affaiblit en réalité le système ferroviaire dans son ensemble. Il manque un concept global, sans lequel les aménagements d'infrastructure n'ont qu'une utilité limitée. Avec un concept global, on aurait par exemple pu éviter en grande partie les détériorations de l'horaire 2025 de la Suisse occidentale et du projet d'horaire 2035, car on aurait remarqué les problèmes à temps. En outre, la vitesse du trafic grandes lignes n’augmente pas assez. Or, ce n'est que lorsque l’offre du trafic grandes lignes est attractif que les trains régionaux et RER apportent un bénéfice optimal. L'extension et l'accélération des grandes lignes principales nationales et internationales apportent le plus grand nombre de passagers, mesurés en Pkm, pour les compagnies plus petites comme par exemple le Montreux – Oberland Bernois. Le concept global devrait également prévoir des lignes nouvelles transfrontalières permettant de se rendre plus rapidement à Francfort, Stuttgart, Munich, Milan, Lyon et Paris.
Le cas d’école du déraillement dans le tunnel de base du Saint-Gothard
L'accident dans le tunnel de base du Saint-Gothard (GBT) montre les autres conséquences de l'absence de concept global de la Confédération : Si le train accidenté avait déraillé quelques kilomètres plus tôt dans la région de Bellinzone, la ligne de faîte, tout comme le GBT, n'auraient pas été praticable pendant des semaines. En effet, tous les trains doivent passer par Bellinzone, ce qui impacte la population et constitue un point faible du réseau. Plus les marchandises et les personnes sont transférées sur le rail, plus l'économie réagit de manière sensible aux interruptions comme celles de 2017 à Rastatt, de 2021 entre Lausanne et Genève ou d'aujourd'hui 2023 au Gothard.
La décision du Conseil fédéral de donner la priorité à une ligne nouvelle Morges - Perroy est parfaitement juste, et SwissRailvolution la salue. Elle doit toutefois s'inscrire dans un concept global qui identifie tous les points faibles sur les axes nord-sud et est-ouest, de frontière à frontière, et qui les réalise par étapes successives en collaboration avec les pays voisins. En font partie le contournement de Bellinzone, des lignes nouvelles entre Lugano et Milan ainsi qu'entre le portail nord du GBT et le tunnel de base du Zimmerberg. Puis, entre Lausanne et Genève, il ne faut pas seulement une ligne nouvelle de Morges à Perroy, mais une sur toute la longueur, raison pour laquelle SwissRailvolution espère que le premier tronçon Morges - Perroy sera également réalisé de manière compatible avec une ligne complète. Last but not least, le contournement urgent du plus grand point faible du réseau ferroviaire suisse, la gare d'Olten, n'est malheureusement toujours pas planifié, et son concept d'horaire en direction de Zurich, comme dans toute la Suisse, n'est pas clair. L'objectif de SwissRailvolution n'est évidemment pas de remettre en question les adaptations des installations pour le public prévues par le Conseil fédéral à Olten, mais de rappeler le plus gros problème d’Olten : en cas d'événement similaire à celui de Rastatt ou du GBT, c'est tout le réseau suisse qui s'effondrerait.
Une promesse de coûts élevés et de perturbations garanties du trafic
Au cours des dix dernières années, la politique consistant à ne miser que sur le réseau existant a entraîné de plus en plus de suppressions de trains, une moins bonne ponctualité, des retards importants sur les chantiers et une augmentation des coûts de construction. La politique des petits pas - sans concept global - de l'OFT s'avère nettement plus coûteuse que des lignes nouvelles complètes, qui présentent un bien meilleur rapport coût-bénéfice et peuvent être construites bien plus facilement, et puis sans trop gêner l'exploitation quotidienne. Rail 2000, concept global planifié à l'époque par les CFF, a permis jusqu'en 2010 avec un montant relativement modeste de 6 milliards de francs de gagner plus de parts de marché que ce que l'OFT prévoit de gagner d'ici 2035 avec 27 milliards de francs (sans compter les dépenses pour les NLFA !). Le manque d'attractivité du train dans le trafic grandes lignes ne permet pas non plus de réaliser un transfert de l'avion et de la voiture vers le ferroviaire.
Conclusion
SwissRailvolution salue la mise en œuvre rapide par le Conseil fédéral de la motion 22.4263 "Un axe ferroviaire est-ouest équilibré, performant et attractif", qui prévoit une accélération de Winterthour - St-Gall et de Berne - Lausanne, ainsi que le premier tronçon de la ligne nouvelle entre Lausanne et Genève. Mais il est reste urgent de déterminer dans la perspective Rail 2050 comment ces infrastructures peuvent être intégrées dans un concept global comprenant l'horaire, les vitesses, les nœuds ferroviaires et l'intégration dans le réseau européen. La réalisation de ces premières étapes ne doivent pas être des investissements à court terme qui reportent les surcoûts sur les générations futures.
Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral devrait avoir des réponses à la motion 22.4258 "Croix fédérale de la mobilité" le plus rapidement possible et non pas seulement en 2026. Sinon, les projets déjà en cours risquent d'être encore retardés par des adaptations indispensables pour assurer la compatibilité avec les projets futurs.
Auteur : SwissRailvolution
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Communiqué et documentation du Conseil fédéral